Université de Lausanne: un labo DH est créé en SSP
En ce 31 janvier 2013, l’Université de Lausanne ouvre son «Laboratoire de Cultures et Humanités Digitales», par un vote dans la Faculté des Sciences Sociales et Politiques.
Ce laboratoire va se constituer et aura des membres de plusieurs Facultés. Des informations plus détaillées suivront sur ce site. Unil et EPFL vont ainsi pouvoir continuer de pair l’aventure des «Humanités Digitales» sur le campus lausannois, en se préparant notamment au DH 2014 (6-13 juillet 2014):
Pour fêter cet heureux événement, Domenico Fiormonte (Roma Tre) nous offre un beau texte sur la rencontre entre Humanités Digitales et Sciences Sociales, traduit en français ici. Pour la version italienne et son commentaire, voir ici.
Des outils de visualisation en sciences sociales: Andreas Perret (SSP, Unil), 25.01.13
Ce vendredi, notre séminaire donne la parole à Andreas Perret, doctorant SSP (Unil) dont la présentation porte le titre suivant : « Des outils de visualisation en sciences sociales ».
Au programme, une présentation centrée sur les réflexion du chercheur qui aime à se présenter comme ayant « un pied dans les arts graphiques et un pied dans les sciences sociales », en clair « un décorateur de statistique ». La suite nous montrera que cette définition est bien réductrice puisqu’il s’agit ici d’étudier les modalités d’expression des scientifiques (en se limitant ici à la sociologie) en matière de visualisation de données, tout sauf une simple « décoration » !
D’emblée, on constate que dès que l’on met le doigt dans l’engrenage des aspects esthétiques, on se dirige vers des controverses, dans le milieu académique du moins. De fait, c’est une approche anthropologique qu’il faut adopter vis-à-vis des chercheurs pour comprendre leur manière de présenter leurs travaux. Produire un graphe est un moyen reconnu de transmettre un savoir, mais ce produit est très diversement reçu en fonction de son public-cible. Il faut donc s’intéresser aux rapports de pouvoir (thème cher aux sociologues) dans une dimension autoréflexive, à l’exemple des travaux de Bruno Latour.
Il existe un décalage évident entre ce que les sociologues présentent à l’interne et ce qu’ils publient en revue : leur fascination pour la visualisation semble douchée par les conditions de publication. L’équation nice visualization = #DataPorn est ainsi très souvent vérifiée dans le milieu. Conséquence : un mouvement de fond qui va dans le sens du « je fais de l’Excel brut pour qu’on ne puisse pas m’accuser d’enjoliver mes résultats ». Cet état d’esprit qui consiste à mettre de côté l’aspect visuel des présentations/publications est d’ailleurs explicité par une observations inquiétante d’Andreas Perret : dans des séminaires, rares sont les chercheurs qui comprennent réellement les visualisations présentées par leurs pairs, quand bien même leurs remarques sont très nombreuses et pointues sur les aspects de fonds de la recherche elle-même, choix de données, méthodes, etc.
Les outils de visualisation
Les scientifiques n’ont pas attendu l’informatique pour visualiser leurs données, en témoigne l’exemple fameux et si (trop ?) souvent cité de Charles Joseph Minard (1869) qui montre la diminution progressive des effectifs de Napoléon pendant sa campagne de Russie (1812-1813).
Un tableau, c’est déjà une visualisation de données, une façon de les rendre plus intelligibles. Les outils utilisés par les chercheurs nous en disent long sur leur rapport à la visualisation, sur leur communauté d’utilisateurs et leurs liens avec le développement de l’outil. De plus, les logiciels sont parfois typés selon les écoles de recherche dont leurs concepteurs sont issus, leur utilisation conditionne donc parfois également la publication des visualisations (et donc des travaux) qui en tirent parti.
Andreas Perret distingue quatre outils (parmi ceux utilisés par les sociologues quantitatifs) :
- SAS, utilisé principalement par les offices statistiques et des utilisateurs à but commercial.
- SPSS/STATA, très courant dans les cursus académiques, en particulier dans les cours de statistiques. Entretient un rapport moins étroit entre utilisateurs et développeurs pour des raisons de propriété.
- R, l’outil des « geeks » bricoleurs, très flexible et OpenSource.
- Gap-Minder, outil mis en place par un chercheur hors académie et racheté par Google.
Il ne faut pas perdre de vue que les outils portent chacun un projet différent, qu’il n’est pas aisé de passer de l’un à l’autre, et qu’ils ouvrent chacun à des possibles variés en matière de publication. L’étude d’Andreas Perret passe par une typologie fine des logiciels et de ce qu’en font les sociologues, tout en s’intéressant à leurs effets sur la publication.
C’est cet aspect, les difficultés liées à la publication de visualisation, particulièrement concernant pour les chercheurs, qui a animé la discussion du groupe de chercheurs Unil/EPFL à la suite de la présentation d’Andreas Perret. La question est d’autant plus d’actualité que de nombreuses expériences de publications alternatives se développent en ce moment au sein des digital humanities. On citera par exemple le « Read and Write Book 2 », édité en OpenEdition Press par Pierre Mounier et alii, disponible gratuitement sur internet
également disponible en version papier), qui compile des articles de blog et textes de conférences dans un produit hybride tout à fait intéressant. Il est relevé que ce type de processus éditorial numérique favorise une accélération de la diffusion de l’information scientifique, face au lent processus des revues traditionnelles.
Pour aller plus loin :
- Plateforme KAIROS
- Projet Pegasus Data
- Franco Moretti, Graph, Maps and Trees (2005
- Cours MOOC de visualisation de Katy Börner
Martin Grandjean, doctorant (Lettres, Unil)
Cécile Armand (Lettres, Lyon) a également fait un compte-rendu de la séance sur le blog du laboratoire DH junior de l’ENS de Lyon.
L’interview dans une thèse en histoire de l’art, Héloïse Pocry (Unil/Paris 1), 18.01.13
The experimental group of PhD DH students in Lausanne has weekly meetings until the end of March 2013. This blog presents some echoes of the meeting and complements, reactions, developments of the PhD students and professors.
Ce vendredi 18 janvier, Héloïse Pocry, doctorante en histoire de l’art à Paris et Lausanne, a ouvert les feux en présentant de manière captivante sa quête méthodologique et son parcours de chercheuse pour sa thèse qui porte sur l’histoire des écoles de photographie en France, Allemagne et Suisse, 1900-2010, avec un focus sur le tournant des années 1980 en France.

L’école de photographie de Vevey se trouvait d’abord dans la Villa Doret et est aujourd’hui dans le bâtiment moderne du CEPV, à l’angle du jardin de cette même propriété (photo tirée du site du CEPV).
Pour sa recherche, H. Pocry a choisi de mener un certain nombre d’interviews, afin de comparer et mettre en jeu les unes face aux autres documentation orale et archives écrites. Elle a convaincu le groupe présent de l’importance de solliciter la mémoire orale des acteurs encore vivants, ou parfois aussi des archivistes responsables de constituer les objets d’étude historiques. Documentation orale et documentation écrite donnent accès à de l’information sur la mémoire culturelle collective et individuelle sur deux modalités complémentaires et indispensables, telle est la conviction avec laquelle plusieurs participants sont repartis de la rencontre.
Dans son parcours de formation, la doctorante a souligné l’impact de ses intérêts propres pour aller vers une démarche transdisciplinaire: elle a passé d’un baccalauréat scientifique à un master en Lettres; son engagement bénévole dans une radio locale («Fréquence Banane», Université de Lausanne) l’a considérablement aidée à mettre sur pied une technique d’enregistrement des entretiens. Il lui a fallu mettre des protocoles sur pied et partir à la «pêche» d’éléments de formation en sociologie quant aux enquêtes de terrain. Les interviews qu’elle a pu mener touchaient souvent aux récits de vie: la psychologie serait ici également à solliciter. Elle a souligné combien il était inhabituel encore d’allier sources orales et écrites en francophonie dans une démarche historienne. Elle a été invitée à retranscrire littérairement les entretiens, plutôt qu’à en faire des procès-verbaux, en vue des les intégrer dans une thèse écrite sur papier. Une telle démarche historienne, qui ose la pluralité des sources, met l’humain au centre, a-t-elle conclu.
C’est bien la conclusion également de Maureen Guarcello et Matthew Kirschenbaum dans la récente discussion dans «The Humanist Discussion Group» autour de la «digital materiality»: l’humain est au centre. La rencontre entre sciences sociales, humaines et technologies conduit à reconquérir le terme d’«Humanités» dans son sens générique, ce que se propose une plateforme comme les newhumanities.org Par ailleurs, la perspective des Humanités Digitales demanderait pour une telle recherche à développer des formats de publication qui intègrent les interviews, avec voix masquée si requis par l’interviewé/e, et des techniques de mises en réseaux des informations des sources écrites et orales.
Enfin, cette recherche s’inscrit dans l’appropriation, via le média digital et la reconfiguration disciplinaire, de l’histoire orale par les spécialistes de l’histoire écrite. On citera ici l’ouvrage de Florence Descamps, «L’Historien, l’archiviste et le magnétophone», disponible online (merci à Frédéric Clavert pour cette référence). On pensera aussi au projet de Julianne Nyhan et Anne Welsh de l’UCL sur les «Hidden Histories», la litéracie orale et l’émergence des digital humanities, ainsi qu’au projet de thèse d’Enrico Natale sur l’émergence des TIC en Suisse 1970-2012 qui sera présenté dans ce groupe de doctorants.
Voici quelques échos de cette première présentation qui nous a tous passionnés… je laisse chacun/e compléter dans ce blog ses impressions pour notre «Journal de bord»!
Claire Clivaz
PhD in DH meetings Program / Rencontres doctorales en DH à Lausanne
Où ? A l’EPFL (voir le tableau pour le détail des salles)
Qui? Prof. C. Clivaz (Unil), F. Kaplan (EPFL) et D. Vinck (Unil); des doctorants intégrants une dimension «Digital Humanities» dans leur recherche
Quand ? le vendredi à 11h dès le 11 janvier 2013, avec un repas ensuite ; de 9h à 11h, les doctorants en sciences humaines et sociales peuvent passer au laboratoire des Humanités Digitales pour discuter, poser leurs questions.
Quelle période ? Jusqu’au 22 mars 2013, chaque vendredi
Pourquoi ? Apprendre à mettre en commun les questions et les défis d’une recherche par-delà les frontières entre sciences humaines, sociales et sciences dures.
A noter : 26-29 juin 2013, première DH summer school de Suisse à Berne; info et inscriptions: http://www.dhsummerschool.ch
Date |
Nom |
Sujet |
11.01 | C. Clivaz + F. Kaplan | Mise en route et présentations |
18.01 | Héloïse Pocry (Lettres, Unil)Salle GCA1416 | L’interview dans une thèse en histoire de l’art : questions techniques et méthodologiques |
25.01 | Andreas Perret (SSP, Unil)Salle GCA1416Répondant : Martin Grandjean | Des outils de visualisation en sciences sociales |
1.02 | Yannick Rochat (ICT, EPFL)salle GCA330Répondante : Sara Schulthess | Réseau et centralité dans les œuvres complètes de Rousseau |
8.02 | Marc-Antoine Nuessli(ICT, EPFL) Salle GCA330Répondant : Andreas Perret | Comment construire un atlas historique européen |
15.02 | Gilbert Coutaz (org. M. Tanferri) | Visite des archives cantonales |
22.02 | Alexandre Camus(SSP, Unil) GCA 1416, Répondant/e : Mylène Tanferri | IT, sociologie des sciences humaines et sociales et scientométrie |
1.03 | Mélanie Fournier (ICT, EPFL), GCA 1416, Répondante : Héloïse Pocry | Modéliser la Méditerranée du moyen-âge à nos jours |
8.03 | Martin Grandjean (Lettres, Unil), GCA 1416, Répondant : Yannick Rochat | Les réseaux d’intellectuels dans l’entre-deux guerre |
15.03 | A 9h30: Mylène Tanferri (SSP, Unil), GCA 1416 Répondant : Enrico Natale
A 11h: Sara Schulthess (Lettres, Unil), GCA 1416, Répondante : Mélanie Fournier |
Des outils pour analyser l’archive
Sites web, manuscrits grecs et arabes du Nouveau Testament |
22.03 | Enrico Natale (Lettres, Unil), GCA 1416, Répondante : Anna Jobin | Une recherche sur l’histoire des transformations technologiques: questions et problèmes |
Des rencontres doctorales par-delà la frontière sciences humaines / sciences dures à Lausanne
Beyond Academic frontiers: PhD students working together
Cette année 2013 démarre à Lausanne (CH) sur les chapeaux de roue digitaux.
Convaincus que la nouvelle académie et les futures structures de recherches seront pensées et portées par la génération des «born digital», une équipe de chercheurs lausannois a ouvert ce vendredi 11 janvier un groupe de doctorants impliqués en Humanités Digitales et provenant des sciences humaines, sociales et des nouvelles technologies.
Par-delà les divisions nées au 19ème siècles entre sciences dites humaines et sciences dures, il s’agit de retrouver les «Humanités» dans leur sens générique, comprenant sciences humaines, sociales et techniques, et mettant l’humain au centre des recherches. La remise en question des modèles scientifiques et académiques et tout aussi grande pour des branches comme la biologie, la physique ou la chimie que pour l’histoire, la codicologie ou la sociologie. Le mailström digital vient bousculer tous les domaines de recherche, telle est la conviction de l’équipe DH lausannoise.
L’expérience va culminer dans une école d’été DH à Berne (CH), du 26 au 29 juin: http://www.dhsummerschool.ch/. Les grands noms des Digital Humanities seront présents, dont Ray Siemens et Susan Schreibman.
Une doctorante du labo junior DH de l’ENS de Lyon, Cécile Armand, était présente et a fait un compte-rendu de la séance du 11 janvier 2013 à Lausanne.
http://dhlyon.hypotheses.org/47
Une première série de présentations de travaux de doctorants auront lieu jusqu’en mars 2013, et sont annoncées dans cet article.
A Berne, pour initier doctorants et chercheurs de Suisse au Digital Humanities, du 26 au 29 juin 2013, avant le grand rendez-vous du DH 2014, du 6 au 12 juillet 2014 à Lausanne (Unil et EPFL).